AU DELÀ D’EN DEÇÀ 2016
Voici au moins un constat sur lequel tout le monde sera d’accord, d’emblée : la peinture de Caroline Guth est à part, très à part. Elle n’a rien de la nouveauté voulue, obligatoire, qu’attendent les a priori avancés de la recherche artistique et critique d’aujourd’hui. On ne sait comment la prendre ; elle surprend vraiment, tout en se présentant très simplement, directement, sans détours ni complications, et c’est là peut-être ce qui nous déloge.
Cette artiste se dévoile à elle-même un monde qui paraît venir d’on ne sait où, ni de quel temps. De quel temps ? On voit bien, devant ses toiles, qu’elle n’a pas tourné le dos à l’histoire de la peinture, dont elle a scruté manifestement, suavement certains maîtres et legs. Mais on voit tout autant, par l’impact que cette œuvre a sur nous, qu’elle ne pouvait être peinte qu’aujourd’hui, au point précis où nous en sommes de nos libertés d’expression, de mœurs, de notre connaissance des pulsions et aspirations humaines.
(…) Il faudra un jour parler (très sérieusement…) du culot en art. Au moins, Caroline Guth a le culot de se poser, par la peinture, des questions à la fois évidentes et souterraines, qui nous reviennent d’on ne sait où mais dont on reconnaît l’écho. C’est son terreau pulsionnel en même temps que réfléchi, et, de là, elle a bien le culot de peindre ouvertement la sensualité intérieure qui fait de nous des êtres de désir, et, dans les mêmes toiles, le regard philosophique qui nous fait dire : est-ce ainsi que nous vivons ? (…) Et pourquoi la peinture perdrait sa spécificité à miser l’interrogation philosophique, pourquoi ? Nous savons bien que nous ne pensons qu’au-delà de ce que nous pensions déjà, eh bien la peinture peut donner à penser au-delà des mots.
Penser ce qui nous échappe, et qui nous tire en avant dans cette existence. (…) Enigme du sens de la vie ou d’un corps qui n’en peut plus d’attirer, dans les deux cas qu’elle tient ensemble à chaque tableau, Caroline Guth parvient à faire passer ces deux pôles intérieurs de notre vie à l’extérieur par la représentation figurative. Celle-ci est certes savamment architecturée et conjoint le velouté charnel avec la stridence du trait abstrait, mais c’est ainsi que cette peinture est débordée par l’inconscient autant que par l’énigme existentielle de ce que nous faisons ensemble et seuls depuis la naissance.
Jean-Philippe Domecq
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Huile, encre et acrylique sur lin
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